Que ceux qui n’aiment pas les champagnes rosés goûtent cette bouteille de Selosse rosé, car ils risquent bien de changer d’avis...C’est en effet une petite merveille aux saveurs de fruits rouges explosives tout en restant raffinées, ce qui n’est pas courant en champagne rosé. Ce rosé grand cru non millésimé est élaboré par adjonction de 10% de vin rouge de pinot noir d’Aÿ, (ou Verzy et Ambonnay). Dégustée en 2003 une bouteille issue des vendanges 1998 et 99 et récemment dégorgée arborait une belle robe saumon/rose, claire. Jolie mousse fine et nerveuse très abondante au départ, formant un col de plusieurs centimètres qui retombe vite. Le nez est sur les fruits rouges, sans boisé marqué malgré son élevage et sa vinification sous bois. La bouche est fondante, suave, gourmande, élégante, onctueuse et surtout d’une très grande finesse, avec un fruité de toute beauté. La matière est dense mais semble s’effacer au palais tant elle est fondante. Aucune lourdeur ou puissance déplacée dans ce vin, juste un fruité irrésistible et une mousse fondante et légère. Un pur régal qui m’a réconcilié avec les champagnes rosés, genre hélas trop souvent mineur ou décevant...Il n’est malheureusement élaboré que 3.200 bouteilles par an de cette petite merveille. A noter toutefois que d’autres bouteilles dégustées en 2003 et 2004 se sont avérées nettement moins fruitées. Elles étaient plus austères, plus minérales, plus "classiques" en quelque sorte. Elles avaient d’ailleurs une robe plus "oeil de perdrix", moins rosée et surtout moins vive et brillante. Il s’agissait pourtant de bouteilles issues du même lot, ce qui tendrait à montrer que l’évolution en bouteille se fait relativement rapidement pour un champagne rosé. Ceux qui souhaitent profiter du fruité explosif de petits fruits rouges d’un tel rosé doivent rechercher les bouteilles qui viennent d’être dégorgées et ne pas les laisser vieillir en cave. Après quelques mois ou années de garde les arômes tertiaires, plus truffés, prennent le relais. Les deux aspects du rosé présentent un intérêt gustatif mais a priori le fruité de la prime jeunesse est le plus agréable et convient mieux à l’esprit d’un champagne rosé, ne serait ce qu’au niveau de la beauté juvénile de la robe. En août 2014 une bouteille dégorgée en décembre 2011 s'est avérée très jolie avec une finesse de grain étonnante. Robe saumon clair, belle bulle très fine. Le fruité est apaisé mais bien présent, porté par des notes oxydatives bien intégrées. La bouche se développe avec une grande finesse sans être dénuée de vinosité. Le vin est entré dans une phase de maturité et d'osmose entre le fruit et le minéral. Un joli rosé mais moins explosif que lorsqu'il était sur son fruit. Une autre bouteille dégustée en août 2016 et dégorgée en octobre 2015 avait une robe saumon pâle avec une belle mousse très fine. Le vin est curieusement assez austère avec un fruité masqué mais la matière est très jolie. C'est un exemple de rosé plus vineux assemblant du pinot noir d'Ambonnay à du chardonnay d'Avize. Une bouteille curieuse en août 2018, dégorgée en octobre 2015. La robe est à peine rosée, plutôt dorée et ressemble vraiment à un champagne classique. La bouche est très jolie, dotée d'un bel équilibre mais sans le caractère "rosé" et donc plus fruité attendu.